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“C’est un devoir de les accueillir”

10. February 2022
Nouvelles

Les villes et communes suisses seraient prêtes depuis des années à accueillir davantage de réfugiés. Mais leur demande a toujours été rejetée par la Confédération. Les Verts font désormais pression pour une modification de la loi.

Un article de la WOZ du 10.02.22

On pourrait croire que le Secrétariat d’Etat aux migrations et la ministre de la Justice Karin Keller-Sutter ont une fissure dans le disque. Comme un moulin à prières, ils répètent toujours la même chose lorsque des villes et des communes suisses proposent à la Confédération d’accueillir des réfugiés supplémentaires : Il n’y a pas de base légale pour cela, on veut plutôt apporter de l’aide sur place.

C’est ce qui s’est passé après l’incendie du camp de misère de Moria à Lesbos en septembre 2020. C’était le cas après la prise de pouvoir des talibans en Afghanistan en août dernier.
Bénédiction de la population

“Jusqu’à présent, le Conseil fédéral s’est toujours retranché derrière la situation légale actuelle lorsque les villes voulaient se montrer solidaires”, explique le président des Verts Balthasar Glättli. “Cela ne doit plus être possible”. Les Verts ont déjà déposé une initiative parlementaire lors de la dernière session d’hiver, demandant à la Confédération de créer dans la loi sur l’asile les conditions permettant d’accueillir des contingents supplémentaires de réfugiés à la demande des communes et des cantons. Pour donner un coup de pouce à leur démarche, les Verts lancent le jour de la parution de ce journal une pétition avec la même revendication. “Nous voulons poser les jalons dès maintenant. Si, lors d’une prochaine catastrophe, des milliers de personnes sont déplacées, les villes de bienvenue doivent effectivement pouvoir accueillir des personnes en fuite”, explique Glättli.

Selon les Verts, les communes et les cantons devraient à l’avenir pouvoir accueillir directement des personnes en fuite s’ils assurent leur hébergement et prennent en charge le financement. En outre, ces derniers doivent remplir les conditions d’accueil en tant que groupe, c’est-à-dire être reconnus comme réfugiés par le HCR par exemple. Les personnes supplémentaires accueillies ne doivent pas pouvoir être prises en compte dans la clé de répartition cantonale ni dans les contingents de réfugiés décidés par la Confédération, par exemple dans le cadre de programmes de réinstallation.

Plusieurs interventions parlementaires au niveau communal montrent clairement que la population urbaine soutient majoritairement cette revendication. Ainsi, le parlement de la ville de Zurich a transmis début janvier un postulat à l’exécutif demandant la création d’une base juridique pour l’accueil de personnes en fuite en dehors du contingent existant de la ville. Le chef du département social zurichois, Raphael Golta (PS), avait déjà clairement indiqué en automne 2020, juste après l’incendie de Moria, que Zurich pouvait accueillir 800 personnes (voir WOZ n° 39/2020). A l’époque, les huit plus grandes villes de Suisse s’étaient réunies pour former l’alliance “Villes et communes pour l’accueil des réfugiés”, qui s’est entre-temps élargie à seize villes.

“Nous sommes convaincus que la Suisse peut faire plus pour les personnes qui ont fui”, déclare Golta aujourd’hui encore. “L’Europe se referme de plus en plus sur elle-même et il faut d’urgence plus de voies d’accès directes. C’est là que nous voulons nous engager en tant que villes et nous l’avons toujours fait savoir à la Confédération. Mais jusqu’à présent, elle n’a montré aucun intérêt”. A l’occasion du postulat, des clarifications juridiques supplémentaires sont en cours. “Mais pour que quelque chose se passe vraiment, il faut une volonté politique au niveau fédéral. L’intervention des Verts y contribue également”, ajoute Golta.
Vingt, c’était trop peu

La collègue bernoise de Golta, Franziska Teuscher (Alliance verte), ne mâche pas non plus ses mots : “La Confédération ne considère pas les villes comme des partenaires égaux en matière de politique d’asile. Sinon, l’autonomie communale est toujours mise en avant, mais ici, aucun dialogue d’égal à égal ne semble possible”. Elle aussi sait qu’elle a le soutien du parlement de la ville derrière elle. Lorsque la ville de Berne avait proposé à la Confédération, après l’incendie de Moria, de prendre en charge 20 réfugiés de Lesbos en l’espace de deux semaines, le parlement avait adopté une motion urgente demandant que Berne accueille 500 personnes – 20 étant bien trop peu.

L’élément central de la pétition et de l’initiative parlementaire est le financement exclusif par les communes. Mais comment cela se présente-t-il pour la ville de Berne, qui doit faire face à des problèmes financiers ? “La question de l’argent n’est pas la première à se poser”, explique Teuscher. “La Suisse est toujours l’un des pays les plus riches, et malgré les problèmes financiers, nous devons être solidaires. Les gens dans les camps grecs vivent toujours dans la plus grande détresse. L’hiver a été très froid et a aggravé leurs conditions de vie. C’est un devoir que nous les accueillions”.

Teuscher reconnaît que l’initiative parlementaire a toutes les chances d’aboutir : “Personne n’est forcé à faire quoi que ce soit. Mais ceux qui veulent aider doivent pouvoir le faire”. Avec cette pétition, les Verts espèrent faire pression sur la Commission des institutions politiques du Conseil national, qui sera la première à se pencher sur le projet. “Nous devons à nouveau montrer que nous sommes nombreux à soutenir cette cause”, explique Teuscher. Elle fait ici référence à l’appel de Pâques “Evacuer maintenant !” de 2020, qui demandait au Conseil fédéral de faire venir en Suisse le plus grand nombre possible de personnes ayant fui la mer Egée – et qui a été signé par 50 000 personnes.

Signez dès aujourd’hui l’appel des villes de bienvenue et exigez avec nous : solidarité avec les personnes en fuite ! La Confédération ne doit plus faire obstacle aux villes de bienvenue !